Aventures Pulp en Asie Centrale

Ce projet ludique prend pour cadre l'Asie Centrale, entre les années 1890 et 1930.

Un ennemi terrifiant, invisible et tentaculaire menace toute civilisation, s'infiltrant à tous les niveaux de la société. Les puissances sont bien trop occupés au "Grand Jeu" des rivalités impériales pour y prêter attention. Seul quelques individus luttent pour la survie de l'espèce humaine. Pour en savoir plus, cliquez en haut sur la page "Scénario".

Le terrain de jeu est centré sur la ville de Kashgar, et borné au sud par l'Himalaya, à l'ouest par l'Afghanistan, à l'est par la capitale de la province chinoise du Sinkiang, et au nord par les monts Tien Shan. Une page sera créée pour chaque région, au fur et à mesure qu'elles seront intégrées dans le projet.

Un monde menacé par un mal perfide, balayé par le choc des impérialismes, puis par des tempêtes idéologiques : les dangers ne manqueront pas pour nos héros en plomb !

Le Bassin du Tarim



Sous la souveraineté théorique de la Chine en tant que province de Sinkiang, mais en réalité très éloignée de la cour Impériale, le bassin du Tarim et ses alentours est une région aussi vaste qu'inhospitalière, plus grande que la France, l'Angleterre et l'Allemagne réunis.



Elle est à moitié encerclée par de puissantes barrières montagneuses, qui la sépare du Tibet au sud, de l'Inde au sud-ouest, de l'Afghanistan et du Turkestan Russe à l'ouest et au nord. Les entrailles du Tarim sont rongées par le terrible Taklamakan, l'un des déserts le plus hostile de la planète. Pourtant, le Turkestan Chinois est un carrefour de peuples. C'est par cette région que passe la "Route de la Soie", artère commercial reliant la Chine au Moyen Orient. C'est par elle, également, que le Bouddhisme a quitté l'Inde pour irriguer la culture et l'esprit chinois.  Le Bouddhisme entraîna dans son sillon bien d'autres religions, dont le Christianisme Nestorien et l'Islam; tous ces courants donnèrent lieu à de brillantes civilisations.

Aujourd'hui, la situation politique est hautement instable.  Secouée par un durable soulèvement musulman, qui démarra en 1864, le Sinkiang ne revint dans le giron chinois qu'en 1877.  Cependant, la lente érosion du pouvoir chinois (perte de l'Annam en 1885; défaite contre le Japon en 1894; les concessions aux pouvoirs européens puis la défaite des Boxers en 1900) a pour contrepoids un chaos croissant en Sinkiang.  Sa situation stratégique entre les empires Russes et Britanniques, et les craintes et convoitises que cela crée, ne fait qu’accélérer le processus.

La donne change dans le sillon de la Révolution chinoise de 1911.  Jusqu'à son assassinat en 1928, le Sinkiang est régenté d'une main de fer de Yang Zengxin, qui a été nommé par le pouvoir central mais demeure néanmoins un des "Seigneur de Guerre" de cette époque.  Il a été confronté à la renaissance politique du Sinkiang, avec les mouvements pan-Turcs ou pan-Musulmans, nés dans le tourment de la Première Guerre Mondiale et de la révolution russe.

Est entendu ici par le "bassin du Tarim" la partie de la province chinoise de Sinkiang qui vadu piedmont des Pamirs à l'ouest de Kashgar jusqu'au Lop Nur à l'orient, et des oasis au pied de l'Himalaya, jusqu'à la Dzoungarie méridionale à proximité d'Urumchi.


LES PEUPLES

Distribution de la population du Sinkiang vers 1980.  Cependant, elle est globalement valable pour l'époque qui nous intéresse.



Turcophones


Ouïghours
A l'époque qui nous intéresse (et encore aujourd'hui, même si une politique de colonisation agressive par les Chinois Han tend à modifier progressivement les rapports), les Ouïghours sont de loin la population majoritaire du Sinkiang, représentant peut-être 65% de l'ensemble.

Au IXe siècle, les Ouïghours sont chassés de leur steppes, où ils ont érigé un empire, par les kirghizes et élisent domicile dans le bassin du Tarim, autour des oasis, où ils dominent les peuples tokhariens (sérindiens) qui leur avaient précédés.  De nomades ils deviennent sédentaires et sont fortement influencés par la culture chinoise.  Lorsque l'influence de l'Empire Arabe pénètre dans le bassin du Tarim, les Ouïghours abandonnent le manichéisme et le bouddhisme pour l'Islam.  Ils passent ensuite sous le joug des Turcs Karakhanides (992-1211), eux aussi musulmans, puis des Mongoles et, en 1679, des Dzoungares (peuple mongole). Il faut attendre 1755 pour voir le retour des Chinois (dynastie Qing) dans le Tarim.

Ouïghours de Kashgar

D'autres Kashgari.  Le chapeau conique en feutre est la coiffe traditionnelle




Un aksakkal ouïghour ("Barbe blanche")
Fortement influencés par la culture chinoise - et, pour la plupart, parlant le mandarin - les Ouïghours, forgés par une histoire mouvementée, gardent une identité forte. Ils sont d'une physique plus orientale qu'extrême orientale et leur habillement est celui des musulmans. Ils sont très résistants au pouvoir politique de Pékin, ce dont la grande révolte de 1864 prise en main par Yakub Beg est témoin.

Dans les années 1910

Vers 1920


Kazakhs
Les Kazakhs se sont regroupés, au 15ème siècle, autour du Lac Balkach, avant de s'organiser en trois ordo au 17ème siècle.  A cette époque seuls les élites étaient islamisés.  Face aux attaques des Dzoungares mongoles au 18ème siècle, les Kazakhs ont appelé les Russes à leur secours, et leurs territoires sont passés sous contrôle de l'Empire en milieu du 19ème siècle, non sans heurts.  Simultanément la migration de Tatars, peuple du Volga, dans la région a contribué à son islamisation.

Après l'abattement de l'Empire Dzoungare par les Chinois en 1755, puis la mainmise des Russes sur cette région entre 1871 et 1882, des Kazakhs se sont installés en Dzoungarie.  La révolte qui a secoué la région du Balkach en 1916, durement réprimée par la Russie tsariste, a poussé des dizaines de milliers d'autres Kazakhs à les rejoindre.  Les Kazakhs sont, à l'époque qui nous intéresse, la deuxième population du Sinkiang après les Ouïghours (peut-être 7-10% du total ?), mais fortement concentré dans les marches orientales.  Ils ont conservé, globalement, leur mode de vie nomade.  Dans la mesure où ils sont traditionnellement et historiquement plus proches des Russes que des Chinois, ils constituent un danger certain pour la mainmise politique des Chinois sur le nord Sinkiang.

Kirghiz
Les Kirghiz, que les sources chinoises décrivent comme grands et blonds, semble être à l'origine des Indo-Européens turquisés, vivant dans la région du haut Ienissei.  En 840 ils abattent l'empire ouïghours, provoquant la migration massive des ouïghours vers le bassin du Tarim.

Les Kirghizes se déplacent ensuite vers la partie occidentale de la chaîne des monts Tien Shan, entre le Lac Issyk-Koul et Fergana, où ils s'allient aux Kazakhs contre les déprédations des Dzoungares.  C'est alors que débute leur lent conversion à l'Islam, qui ne s'achève qu'au 20ème siècle, en même temps que leur soumission au pouvoir Russe, d'abord tsariste puis soviétique.

Les Kirghiz sont assez nombreux dans le Sinkiang, peut-être autour de 70.000, concentrés dans le piedmont - leur domaine par excellence - immédiatement à l'ouest de Kashgar.  Comme les Kazakhs avec lesquels ils partagent des affinités culturelles, les Kirghiz ont gardé leur mode de vie nomade.


Ouzbeks
Les Ouzbeks sont la population majoritaire des anciens khanats de Khiva, de Boukhara et de de Khokand.   Ils participent de ce fait à la révolte des Basmatchis à partir de 1919, autour de l'Emir de Boukhara.

Dans la mesure où Yakub Beg, qui a pris la tête de la "Rébellion Tungan" avant de fonder un éphémère "Emirat de Kashgar" (1865-1878), était un natif de Khokhand et avait fondé son armée autour d'un coeur de troupes Ouzbeks, il est également possible qu'un petit nombre d'entre eux s'y installèrent.


Sinophones

Même si le Sinkiang est regardé par les Chinois de souche comme un monde à part, voire le bout du monde, la population chinoise du Tarim est important, peut-être 10% du total.  Elle tend à occuper des quartiers séparés dans les grandes villes, comme par exemple à Kashgar.

Fonctionnaires Chinois à Kashgar, vers 1890

Soldats Chinois à Kashgar, vers 1890


La majorité des Chinois présents (représentant peut-être 6-7% de la population totale du Sinkiang) sont des Hui, c'est à dire des familles de souche et de culture chinoise, mais de religion musulmane.  Certains sont autochtones, d'autres ont été installés dans le Sinkiang par l'Empire Chinoise, en particulier après l'écrasement de l'Empire Dzoungare en 1755.

Les Hui sont appelés, par les Occidentaux, des Tungans (du nom de l'un des peuples installé en masse dans la Dzoungarie).  En 1864, la révolte des musulmans dans la province chinoise de Kansu contre la domination Han, qui explosa en 1862, gagna le Sinkiang et entraîna à son tour le soulèvement des Hui ("Tungan Rebellion"), auxquels s'associent rapidement les ouïghours.  Ce soulèvement, prise en main par un aventurier ouzbek, Yakub Beg, vit la fondation de l'éphémère "Emirat de Kashgar" avant d'être écrasé par l'Empire du Milieu en 1878.


Les tensions restent donc vives entre les Chinois Hui et les Chinois Han.  Les Han sont l'ethnie dominante en Chine métropolitaine, à la fois démographiquement et politiquement.  Au Sinkiang, ils représentent 3 à 4% de la population totale (ce chiffre augmentera progressivement pour atteindre 10% en 1957 et 40% en 1982), installés essentiellement dans les villes où ils dominent la vie politique et économique.  La donne changera, cependant, après la Révolution Chinoise de 1911.  Yang Zengxin, le Seigneur de la Guerre qui prend le contrôle du Sinkiang jusqu'à son assassinat en 1928, préfère s'appuyer sur les Hui, qui acquièrent en conséquence une grande importance, en particulier dans l'armée.

Les relations entre Han et Ouïghours sont également tendus, les premiers voyant souvent dans les derniers des séparatistes ingrats, pratiquant une religion superstitieuse qui, depuis les révoltes, s'avère aussi politiquement dangereuse.
Femmes chinoises à Kashgar vers 1890

Civils chinois vers 1890 (ici, à Shanghai)



Mongolophones

Des peuples mongoles se sont essaimés dans le Sinkiang, essentiellement à partir de deux foyers.  Le premier est le Tibet oriental, dont les vallées avaient été occupées au cours du 13ème siècle.  Le deuxième est la Dzoungarie, région situé au nord-est des Tien Chan et qui s'étend du nord de la ville d'Urumchi jusqu'aux Monts Altaï.

Les Dzoungares dominent le bassin du Tarim entre 1679 et 1757 (parvenant même à Lhassa en 1720), année durant laquelle les Chinois de la dynastie Ming reprennent la main.  Les Dzoungares sont alors massacrés; il a été estimé que 50 à 80% d'une population de 600.000 succomba alors aux combats, aux massacres et à la maladie.  Les survivants de ce peuple turbulent vivent encore, cependant, dans la région.

Les Russes encouragent en particulier les migrations des Bouriates, un peuple mongolophone sous leur contrôle, et qui, étant bouddhistes, offrent un contre-poids à l'Islam.

Iranophones

Les Tadjiks sont un peuple ayant pour langue maternelle le persan, et qui vivent en Asie Centrale ou en Afghanistan.  Ils sont divisés, mais uniquement par leur mode de vie, entre les Tadjiks "des plaines" de l'Asie Centrale (le moderne Tadjikistan et l'Afghanistan du nord-est), et les Tadjiks "du Pamir", qu vivent dans le Haut Badakhchan.  Après la conquête russe des Pamirs en 1891, le Haut Badakhchan a été détaché de l'Afghanistan et, avec l'accord des Britanniques, donné à l'Emir de Boukhara.

Les Tadjiks du Pamir vivent donc dans les montagnes qui avoisinent le Sinkiang à l'ouest, et ont également des foyers de population - peut-être 30.000 âmes - dans le sud-ouest du Sinkiang même, en particulier près de Yarkand.

Les Tadjiks participent activement à la révolte des Basmatchis contre le nouveau pouvoir soviétique, et les "Rouges" ne reprennent le contrôle du Haut Badakhchan qu'en 1925.

Autres peuples

Les Tibétains permettent à peu d'étrangers de pénétrer au cœur de leurs pays, ce qui ne leur empêche pas d'avoir des relations commerciales avec le Turkestan Chinois et l'Inde. Enfin, on peut trouver des marchands Indiens, venant notamment de Kashmir : beaucoup de Ladakhi de culture et de réligion tibétaines, mais également d'autres indiens de religion sikh, hindou ou musulman.



LES ZONES GEOGRAPHIQUES

Le Taklamakan

Le deuxième plus grand désert du monde, recouvrant environ 300.000km², son nom veut dire en Turc, "Entre mais ne ressors pas". Il constitue le plus terrible des obstacles qui jalonnent la Route de la Soie et reste l'étape le plus redouté et le plus meurtrier.



Les dunes jaunes du Taklamakan, qui peuvent dépasser 100m de hauteur, forment en son centre une mer agitée de sable, prête à engouffrer les caravanes et les voyageurs.



A l'encontre des déserts de l'Arabie et de l'Amérique, inhospitalières mais toute de même fournis en eau, celui du Taklamakan est totalement aride, impropre à la vie, une fois dépassée une étroite frange de tamaris, de peupliers et de roseaux.



Les températures hivernales peuvent chuter au-dessous de -20°C et le Taklamakan est hanté par le kara-buran, le "orage de sable noir", une puissante et terrifiante tornade, que l'archéologue allemand von le Coq décrivait ainsi au début du XXème siècle :

"D'un coup, le ciel s'assombrit. Le soleil, voilé par une accumulation de poussière, est transformé en une boule de feu rougeâtre. Une sourde hurlement cède à un sifflement strident et, l'instant après, l'orage éclate. D'énormes masses de sable, mélangés à des cailloux, tourbillonnent et s'abattent sur hommes et bêtes. Tout autour est sombre et noir, d'étranges claquements, causés par les heurts des pierrailles, se mêlent au hurlement des vents. C'est l'enfer. Pour les Chinois, ce sont les cris des aigles de l'au-delà, qui rendent fous les hommes. Ils fuient cette terreur, perdent leur route et meurent parmi le sable éternel."

Parmi les autres horreurs du Taklamakan sont le faune : les quelques gorges propices à la vie sont remplis de loups, de moustiques et de mouches de sable voraces, qui ne laissent au voyageur aucun repos. Les piqûres des scorpions et d'un espèce d'araignée sauteur sont un sérieux affaire, tandis que des cafards géants s'attaquent aux visqueux des dormeurs. Les tiques et les puces complètent ce sympathique tableau.

La Dzoungarie

Le Tien Shan est la plus poreuse des régions montagneuses autour du bassin du Tarim, en ce qui concerne les mouvements des hommes. Au-delà, au nord-est, c'est l'étroite bande de terre appelé autrefois la Dzoungarie. Longtemps couloir pour les mouvements des nomades turcs de l'ouest vers la Chine, puis zone d'installation de peuples mongoles, elle comprend la fertile vallée de l'Ili et le lac d'Issuk Kül. La région est une zone sensible, contesté par les Russes et les Chinois. Elle est à seulement 300km des monts Altaï, berceau préhistorique et lieu de pèlerinage pour les peuples turcophones.

La dépression de Turfan

La dépression de Turfan, qui plonge à -145m en-dessous du niveau de la mer, a été transformé dans l'Antiquité en un oasis fertile par un ingénieux système de canalisations sous-terrains et de puits (le karez).

Le Lop Nor

Le Lop Nor a jadis offert la prospérité à la ville de Loulan, grande ville caravanière (voir "Sites Archéologiques").  Son assèchement a causé la ruine de la ville au Ve siècle de notre ère et n'a laissé que sa légende, une rumeur de fastes évanouis et de fantômes errants.

Ces errements continuent et sont liés aux cours erratiques des rivières glaciaires qui se perdent au cœur du bassin du Tarim.  A la fin du XIXe siècle, le Lop Nor est une immense marécage salé d'environ 50km de long.


Le demi-cercle des montagnes

Le Turkestan Chinois est entourée de hauts montagnes inhospitalières, que seules pénètrent quelques passes stratégiques. Du sud au nord suivant les aiguilles d'une montre :

- le Kunlun Shan, qui sépare le Tibet du Turkestan Chinois, culminant à 7723 m.

- le Karakorum, qui le sépare du Cachemire et donc de l'Inde, culminant à 8611 m

- les Hauts Pamirs, route vers l'Afghanistan et le Turkestan Russe, culminant à 7495 m

- le Tien Shan au nord, qui le sépare de l'Empire Russe, culminant à 6995 ; cette chaîne est plus poreuse que les autres en ce qui concerne les migrations humaines


LES VILLES



La Route du Nord

Cette branche de la Route de la Soie ne traverse pas le Tarim, mais le quitte pour les steppes au nord du Tien Shan.  Elle avait l'avantage d'admettre, de pars sa géographie, de plus grands caravanes que les routes du Tarim.  Elle était en revanche plus exposée à l'instabilité politique.

Urumqi


Depuis deux mille ans, Urumqi est une ville d'importance sur la voie septentroniale de la route de la Soie.  Depuis la reconquête chinoise de 1884, elle est la capitale de la nouvelle province de Sinkiang (avec le nom de "Du Hai"; son nom actuel d'Urumqi ne lui fut donné qu'en 1954).  Sa population chinoise a été délibérément renforcé depuis, mais reste très minoritaire.

Du Hai se trouve être la ville le plus éloigné du monde entier de la mer : l'océan la plus proche est à 2.500 km. La ville est situé à 800m d'altitude. Ces étés sont tempérés (températures estivales de 17° minimum à 30° maximum) mais les hivers rudes (jusqu'à -18° en janvier).  Les alentours sont d’une grande beauté naturelle, notamment le Tien Shan (« Monts Célestes ») et leurs pâturages de haute montagne où nomadisent des Kazakhs.  Nombreux voyageurs sont attirés vers le Tian Chi (« Lac Céleste »), dont les eaux turquoise s’étirent à 2.000 km d’altitude.



Le climat politique est tendu à Urumqi.  Pendant la Révolte des Tungan, les Russes ont occupé la vallée de l'Ili, qui débouche à Urumqi, sous prétexte d'y assurer l'ordre ; certains généraux suggéraient même de pousser jusqu’à Urumqi.  Lorsque l’offensive chinoise de 1876 rétablit leur mainmise sur la région, les Russes refusèrent de quitter leurs positions sans être défrayés de leurs dépenses militaires.  En 1878, une guerre sino-russe semblait inévitable, avec 16.000 soldats chinois stationnés à Urumqi et de volatiles kazakhs pro-russes à portée.  La face à face dura 3 ans, avant que les Russes acceptent un compromis et décampent finalement en 1881.


Les sols saline et le climat sec ont contribué à préserver les morts du passé, et certains de ces "momies naturelles" ont été mis à jour par des équipes archéologiques aux alentours d'Urumqi. Nul ne sait encore quel danger peut receler la violation de leurs tombes...


Bandits du Tarim, ici près d'Urumqi en 1914


La Route du Tian Shan

Korla

A 400km d'Urumqi, on traverse, en direction de l'ouest, un défilé rocheux appelé le Tiemenguan (la "Porte de Fer"), ancienne place forte et lieu d'octroi, qui, pratiquement incontournable, contrôle la branche de la Route de la Soie qui longe les monts Tian Shan.  Pour les Han, passer cette "Porte de Fer" est synonyme d'exil dans un pays lointain et largement incompréhensible.

Quelques kilomètres après le défilé est la ville de Korla (Kuerle).  Ville prospère, même à notre époque, elle ne manque pas d'agréments, grâce au rivière Kongque ("Eaux abondantes" en Ouïghour) qui la traverse, l'irrigue et la rafraîchit avant de se perdre au sud dans le désert.  C'est d'ailleurs à proximité de Korla, quelques 200 kilomètres au sud, que la branche méridionale du Tarim lui-même disparaît, englouti par le sable.  L'autre branche parvient, péniblement, jusqu'au Lop Nor.

Kuqa

L'oasis de Kuqa (Kuche) s'imposait autrefois comme une étape clé de la Route de la Soie.  La ville qui s'y crée atteint son apogée sous les Tang (618-907) et abrite non moins de 5.000 moines.  Avec l'arrivée des Ouïghours, le bouddhisme est abandonné au XIIIe siècle en faveur de l'Islam.  La ville abrite le tombeau de bois d'un important missionnaire musulman, Ashidin Khoja, qui vécut au XIIIe siècle et que les Ouïghours vénèrent encore aujourd'hui.

A 75km au nord de Kuqa se situe le complexe des Mille Bouddhas de Kizil, 236 grottes qui s'ouvrent dans les parois d'une gorge, une falaise nue dominant un canyon frangé de peupliers.

Aksu


La route qui mène de Kuqa à Aksu traverse un désert d'une aridité impitoyable.  Seuls surgissent quelques petits villages, alimentés par les eaux de fonte des Tian Shan, qui leur sont apportés par des antiques canalisations souterraines.  L'oasis d'Aksu semble un miracle dans un tel paysage.

La Route des Himalayas

La route méridionale, probablement plus ancienne que la route du Tien Shan, est encore plus aride.  Elle offre cependant quelques avantages, notamment par l'éloignement des civilisations nomades qui avoisinent le Tarim au nord et qui sont prompts au razzia.  Elle n'est pas pour autant exempt d'exactions, cette fois-ci par les Tibétains qui, malgré leur réputation, peuvent se montrer impitoyables.

Marco Polo dit de cette région que "Bêtes et oiseaux il n'y en a pas, car ils ne trouvent rien à manger".  Les fantômes sont en revanche présents et appellent les voyageurs pour les attirer dans le vide, où ils périront.  Les voyageurs plantent, la nuit, un signal pointant vers la direction où ils doivent repartir, afin que les fantômes ne les désorientent pas.  Il est de tradition d'utiliser les squelettes de chameaux ou d'autres bêtes de somme mortes.

Charklik

Paysage près de Charklik


Ville d'où les Chinois (Han ou Hui) sont quasiment absents, Charklik (Ruoqiang) est une petite ville perdue, mais néanmoins un havre bienvenu après l'éprouvant traversée du Taklamakan.

Cherchen

Irriguée par le Cherchen-Daria, issu des neiges de l'Altun Shan, la ville n'a rien de particulier.  Cependant, à 5km au sud-est est un important nécropole de plus de 1.000 tombes, dont l'une renferme 14 momies datant du VI siècle avant notre-ère.  Ce nécropole ne sera découvert que dans les années 1980.


Khotan

Ville la plus importante de la route méridionale, elle était au IIIe siècle avant notre-ère le centre du royaume bouddhique de Khotan et le fils aîné de l'empereur indien Asoka s'y est installé.  Au VII siècle elle est tibétaine et des momies datent de cette époque.  En 1006, les ouïghours de Kashgar conquièrent l'oasis et s'y créent l'une des villes phares de leur culture.  Aujourd'hui, la population chinoise est négligeable.


C'est à Khotan que le ver à soie aurait été élevé en dehors de la Chine pour la première fois et la ville est célèbre pour ses tapis tissés à la main.  Les artisans sont regroupés dans un quartier spécifique ainsi que dans les villages environnant.  La ville fait aussi commerce du jade et une rue entière est monopolisée par des sculpteurs et des marchands de cette matière.  Elle lui est apportée par les deux cours d'eau qui se rejoignent à Khotan, le Karakash ("Jade Noir") et le Yurungkash ("Jade Blanc").  En hiver, période des basses eaux, le gravier des rivières est écumé par des prospecteurs.


Karghilik

Dans cette petite oasis s'arrêtent les caravanes cheminant de Kashgar ou Khotan pour le florissant commerce vers le Ladakh et le Cachemire par l'éprouvant col de Karakorum (à 5.575m d'altitude).  Puisque le Ladakh et le Cachemire sont aux portes de l'Empire Britannique des Indes, la ville joue un rôle clé dans le Grand Jeu, en tant que l'une des axes de pénétration des espions britanniques et russes dans les zones d'influence de l'adversaire.


Yarkand

Cette ville, rendue prospère par le commerce avec Ladakh et Cachemire, est aussi grande que Kashgar.



Elle est embellie par une mosquée du XVIe siècle, l'Altyn Masjid, et le Mazar Amannishan, tombeau d'une reine de Yarkand du même siècle.  Ses poèmes et ses compositions muqam (musique ouïghour) l'ont rendu célèbre et ses recueils sont lus et contés encore par travers tout le Sinkiang.

Porte principale de Yarkand
Halle d'Audience à Yarkand




LES SITES ARCHÉOLOGIQUES

Les grottes de Mogao


"Les grottes de Mille Bouddhas" se trouvent à 18 km au sud-ouest de Dunhuang, ville intégrée dans le système défensif de la Grande Muraille, florissante à l'époque médiévale mais entré en déclin dès que la soie chinoise devint concurrencer par la soie byzantine et perse.
Du 4ème au 14ème siècle, des moines bouddhistes, qui avaient construit de nombreux édifices à Dunhuang et en avaient fait un centre d'études et de culture, peignirent 45.000 peintures murales dans quelques 500 grottes sur une falaise de deux kilomètres de long. Ils sculptèrent 2.000 statues, dont un Bouddha de 40m de haut, dont les orteils sont grands comme des yaks. Ils ont également stockés plus de 50.000 manuscrits.
 
Kara-Khoja "la Ville Noire"


Entre la ville de Turpan et le Lop Nor se situait autrefois l'antique ville de Kara-khoto (lit. la "Ville Noire" en turc), appelé également Loulan.  A l'aune du 20ème siècle elle est l'une des "cités perdues" sacrées que recherchent désespérément les aventuriers et les archéologues.  Elle date des conquêtes Han du IIe siècle de notre ère mais connaît son apogée sous la dynastie des Tang, puis sous les premiers Mongoles, triplant sa surface.  Au sommet de sa gloire elle est protégée par des remparts de 5,5 km de long, percés par neuf portes.  Elle est abandonnée au XIVe siècle, devant la désertification et l'état de guerre endémique.

Seigneurs et citoyens de Karakhoja se faisaient inhumer, parfois dans un luxe somptuaire, dans un nécropole situé un peu au nord, en des mausolées souterrains scellés, accompagnés de nombreux objets et des peintures murales.

Dans le vrai monde, il faut attendre 1908 pour que l'explorateur russe Pyotr Kozlov découvre la ville de Karakhoja, et 1959 pour les fouilles archéologiques du nécropole.  On y trouva une importante collection d'objets et de manuscrits, dont 2.000 ouvrages en langue Tangut (celle d'un peuple sino-tibétain).

Miran

Autre cité perdue du Taklamakan, Miran est passé sous contrôle de l'Empire Tibétain au VIIIe siècle.  Les Tibétains ont érigé un imposant fortin qui subsiste encore.  Redecouvert dans la vraie vie en 1905 et fouillé par Aurel Stein en 1907, la cité recèle de brillants exemples d'art gandharien, c'est à dire, d'un style gréco-bouddhique.